MOT DU FONDATEUR

Une question me hantait l’esprit depuis mes années lycée : pourquoi l’enfant, pourtant curieux du monde, actif et créatif s’ennuie-t-il à l’École, lieu d’apprentissage et de socialisation ?
La réponse fut foudroyante, frappante, évidente dès le jour où mes pieds franchirent, pour la première fois le seuil de l’École Occidentale. Ce ne serait pas très intelligent de croire qu’elle n’a pas ses propres ‘petits’ soucis mais je parle ici d’une pensée, d’un Idéal d’Ecole : propre, bien éclairée, coloriée, équipée, accueillante, conciliante, ouverte sur le monde. L’École comme un lieu où rêver, construire, voyager par la pensée et le corps, reste encore possible. L’École comme une terre du Possible…
C’est cette possibilité qui permet aux jeunes créateurs que sont les enfants d’exceller chacun à son rythme, selon sa culture, son potentiel, son héritage, ses penchants, son histoire… Son Etre. Le « Yes, we can ». Le challenge. Une philosophie en apparence simple mais qui s’avère une démarche des plus efficaces sur le terrain. Ces nations qui maîtrisent le monde ont fait de l’École un lieu de culte, de recueillement, d’accueil, un lieu qui vit, qui construit qui se surpasse et se surprend !
Dans ce même contexte, une question m’obsède encore : pourquoi nos enfants, enfants de la rive sud de la méditerranée, des ex-colonies européennes, des civilisations métissées, ne peuvent-ils pas vivre l’École ? L’École comme lieu de Rêve, d’Apprentissage, de Découverte, de Voyage, d’Infini… Pourquoi –et je me permets de le dire en cette période sensible de notre histoire- l’École agit-elle à l’encontre, non à la rencontre d’une construction mentale, physique et affective saine de l’enfant ? ‘’A quoi l’École a-t-elle mal’’ ? Comment pouvons-nous, hommes du terrain, enseignants, cadre enseignant et parents sauver ce qui reste de l’École dans le monde arabe et dans notre Tunisie et plus particulièrement ici même, sur cette terre, bonne, du Cap-Bon?
Je persiste à croire que l’élève tunisien a beaucoup de génie ! Il n’a jamais cessé de m’étonner par sa capacité à résoudre toutes les équations, aussi impossibles soient-elles ! Il a su s’adapter en toute circonstance et accomplir ce qu’on lui demande. Mais à quel prix ? Il suffit d’avoir une lecture réaliste de la situation actuelle pour comprendre l’ampleur des dégâts et la sauvagerie du crime commis à l’égard de ces générations des « généreusement-diplômés/ lourdement-accablés». Cadres de tout genre et en tout domaine, ils restent cependant en souffrance face à la feuille blanche, incapables de se présenter, se représenter le monde dans une langue, dans une construction, une identité propre. Ils sont fatigués, marginalisés, épuisés par le chemin qu’ils ont dû faire sans aboutissement aucun.
Et pour cause ? Un « enseignement » creux. Des milliards de minutes, de lignes, de mots, de pages, d’entrée-sortie, de paroles vaines, d’aller -retour sur soi, de larmes, de rêves avortés, de regards, de visages, de matins sans fin, de mains sales, des journées d’attente, d’espoir qui se prolongent sans enfantement.
Un enseignement lourd, long, linéaire et onéreux et qui se prétend GRATIUT et résorbe tout le contribuable et prend sur les caisses de l’État. Déficit budgétaire, crise de chômage, endettement et problèmes sociaux sont bien de conséquences qui découlèrent de l’orientation politique des gouvernements précédents et des institutions et qui, pris à leur propre piège face aux milliers de chômeurs qu’ils créèrent, procréèrent eux-mêmes, finirent par faire faillite. Enfin eut lieu le soulèvement populaire. Un cri de désarroi, un cri libérateur qui déchire le pays dans une rage orchestrée par l’humiliation, le désespoir, l’Injustice.
Loin de moi l’idée de dresser un tableau noir de la situation de l’enseignement dans notre pays. La preuve, il y a des élèves qui réussissent, qui continent à relever le défit et à faire la différence. Loin de moi la prétention de détenir la vérité ou de posséder des remèdes miracles quelconques mais je suis un Homme. Un Homme qui pense. Un Homme qui travaille à penser. Un Homme qui a la foi. Un Homme qui croit en nous, en ce que nous sommes, en ce que nous sommes capables d’accomplir, de changer.